Le colloque de la LICRA s'est déroulé le 6 décembre 2024 à l'Hôtel de Lassay, sous le haut patronage de Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée nationale. Arlette Zilberg a participé à la 1ère table ronde intitulée "La démocratie en danger". Voici son intervention sur le thème : Femmes, premières sacrifiées, mais combattantes.
Un bon indicateur pour mesurer l’état de la démocratie dans un pays est sans nul doute, le degré de liberté des femmes. Encore faut-il s’entendre sur le sens donné à l’expression « liberté des femmes ». Il y a tant de mots tordus aujourd’hui ! Mais puisque nous sommes entre nous, je retiendrai 2 critères essentiels avec lesquels je pense vous serez d’accord : égalité des droits entre les femmes et les hommes, et émancipation. Et si l’on croise ces données avec l’influence du religieux sur le politique, force est de constater que les femmes sont sinon les premières sacrifiées, mais les premières impactées, dans leur chair. Sont-elles pour autant des combattantes pour la démocratie ?
Pour illustrer mon propos, je voudrais d’abord vous faire partager mes quelques réflexions sur ce qu’il en a été des droits des femmes sous l’Allemagne nazie. Si nous avons en tête uniquement le fait que les femmes ont été renvoyées au foyer, nous faisons fausse route. Je ne citerai que 2 exemples :
Le premier est le documentaire d’Andres VEIEL sorti en France le 27 novembre dernier : Leni RIEFENSTHAL, la lumière et les ombres. Cette actrice et cinéaste phare du IIIème Reich proche de Goebbels et d’Hitler, a réalisé des films de propagande nazie. Quand on sait le rôle de la propagande dans la machine national-socialiste, il est difficile de déresponsabiliser cette dame. Et pourtant, elle sera acquittée et blanchie de toute responsabilité, « non concernée » par la loi de dénazification.
Toujours en référence au IIIème Reich, je souhaite mettre en lumière la republication en octobre 2023, du livre de Rita THALMANN, et préfacé par Liliane KANDEL, Etre Femme Sous le IIIème Reich.
Il nous éclaire sur le rôle des femmes dans le régime nazi. Car si les femmes ont eu à subir des mesures liberticides, elles ne furent pas toujours du bon côté de l’histoire, comme on dit ! Même reléguées dans leurs foyers, elles ont majoritairement participé activement au soutien du régime, et ce, à partir de leur position sociale de femmes. Et pourtant, des restrictions de droits, notamment concernant le travail, le divorce, leur autonomie, il y en eut. Le summum fut atteint par la mise en place des « Lebensborn », ces maisons qui accueillaient les épouses, fiancées ou amies enceintes de SS. Des centres, la plupart gérés par des femmes, et qui oscillaient entre pouponnières et bordels. L’obsession nataliste du régime et sa politique démographique auront bien évidemment pour conséquence immédiate l’interdiction de l’avortement.
Pour en revenir directement à notre sujet, femmes premières sacrifiées, mais combattantes, nous devons aussi nous pencher sur l’influence du religieux sur le politique.
Combattantes, les Espagnoles le furent en 2014, lorsque le gouvernement du Parti Populaire, sous influence de l’église catholique a voulu modifier la loi qui autorisait le droit à l’IVG. Un combat remarquable qui eut pour conséquence la démission du premier ministre, et à terme la défaite du Parti Populaire aux élections suivantes.
En revanche, aux Etats Unis, force est de constater que le combat pour les droits des femmes, et notamment pour le droit à l’avortement, n’a pas pesé suffisamment lourd face au poids du Tea Party, et au poids de plus en plus prégnant des Eglises Catholique et Evangélique qui défendent une vision traditionnelle de la famille, et diabolisent l’avortement et l’homosexualité. Or, face au virilisme décomplexé de TRUMP, le mouvement féministe étasunien parasité et affaibli depuis des années par des débats autour de l’intersectionnalité, n’a pas su offrir de perspectives féministes crédibles. A force de hiérarchiser les combats, de mettre en concurrence différentes identités, à force de subordonner les droits des femmes à d’autres combats qui n’ont rien de féministes, les combats féministes sont devenus illisibles, que ce soit sur la question du corps des femmes que sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Avec la victoire de Trump, il est hélas fort à parier que l’accès des femmes à l’avortement ne soit encore plus compromis qu’aujourd’hui.
Il en va de même pour l’Argentine : alors que nos féministes combattantes avaient gagné le droit à l’avortement en 2021, la présidence de Javier MILEI soutenu et entouré par les évangéliques, voit déjà l’impossibilité pour les femmes d’avorter, faute d’accès à ce qu’on appelle la pilule du lendemain, ou d’hôpitaux en capacité de pratiquer les IVG. Quand le religieux revient en force, on assiste à un recul des droits des femmes. Or, si l’on veut bien considérer que les droits des femmes sont des droits humains, lorsqu’ils régressent, c’est la démocratie qui est en danger.
Le fait d’avoir inscrit la liberté d’avortement dans la Constitution française devrait nous protéger d’une éventuelle régression sur cette question.
Et comme il en faut pour tout le monde, je vais dire quelques mots sur ce que l’on appelle le monde musulman.
L’un des signes le plus visible du poids de la religion dans l’espace publique est bien le voilement des femmes, voire des fillettes. Ça commence toujours comme ça :
Vivant dans le 20ème ardt de Paris, où vit une population d’origine sub-saharienne, j’ai constaté que les femmes et les fillettes d’origine malienne et même sénégalaise portent hidjab et abaya, dans l’espace publique, ces vêtements qui recouvrent le corps des femmes. Même des femmes nées et scolarisées en France. Alors que leurs grand-mères portaient des boubous avec décolletés il y a 30 ans. Il serait intéressant de recouper le port de cette tenue et l’avancée des islamistes dans les pays d’origine.
Les islamistes au pouvoir ont toujours porté atteinte au corps des femmes pour le contrôler. Pire, certains régimes ont même établi un apartheid de sexe, avec des lois humiliantes et discriminatoires envers les fillettes, les filles et les femmes, c’est-à-dire envers le sexe féminin. Les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes. Je ne vais pas empiéter sur le propos de notre amie Chahla CHAFIQ qui interviendra lors de la prochaine table-ronde. Mais je vais tout de même rappeler que si les femmes ont été les premières touchées dans leurs libertés lors de l’avènement de la République Islamique d’Iran, elles ont été parmi les premières combattantes du régime, à travers la manifestation du 8 mars 1979 lorsque des dizaines de milliers de femmes sont descendues dans la rue pour protester contre l'imposition du voile obligatoire. La République Islamique d’Iran a mis en place un régime d’apartheid de sexe, où dès le plus jeune âge, garçons et filles sont séparés sur la base de leur sexe biologique et ont des droits différents. Je préfère parler d’apartheid de sexe, plutôt que d’apartheid de genre. Et ce, d’autant plus qu’aujourd’hui, le genre signifie chez les néo-féministes, la façon dont un individu veut être reconnu et nommé.
Autre pays où les femmes ont été les premières sacrifiées, l’Afghanistan où le régime islamiste des Talibans retire chaque jour des droits aux femmes, droit d’étudier, droit de chanter, droit de parler en public. Et cela en s’appuyant sur le Coran. Là aussi les premières mesures ont été de s’attaquer au corps des femmes en les recouvrant d’une bache, en les bachant. On est même au-delà de l’apartheid de sexe. Il faudrait inventer un nouveau mot qu’apartheid, car ce que les Afghanes vivent est au-delà de ce que les Noirs vivaient en Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid. Elles n’ont plus aucun droit, même si chaque jour, nous apprenons qu’un autre droit leur est enlevé ! Or depuis déjà un certain temps, des images nous parviennent de femmes afghanes manifestant contre cette condition inhumaine. Le courage de ces combattantes nous oblige. Car elles ont 2 ennemis : les talibans, mais aussi Daesh !
Et il me faut aussi dire 2 mots de Daesh ces terroristes islamistes qui n’ont pas dit leur dernier mot sur la scène internationale.
Rappelons-nous du film Sœurs d’Armes, de Caroline FOUREST, sorti en 2019. Une fiction mais qui s’appuie sur la réalité et met en scène des combattantes kurdes, des femmes yézidis. La réalité, ce sont aussi les hommes de Daesh qui ont kidnappé des femmes yézidis, violé, les ont réduites à l’esclavage sexuelle et revendues sur des marchés. Selon les déclarations du Père DESBOIS hier sur radio RCJ, il reste encore 2600 esclaves sexuelles yézidis.
La réalité, c’est que toutes les exactions des islamistes contre les mécréants sont adossées à la religion. Le viol, l’esclavage sexuel, la mise enceinte, les mutilations, voire les pires exactions et tortures.
Alors comment expliquer que de jeunes femmes, ayant grandi en France puissent partir rejoindre Daesch ?
J’ai hâte d’aller voir le film Rabia, de la réalisatrice allemande Mareike ENGELHARDT et qui est sorti en France avant-hier…Pour ce faire la réalisatrice a enquêté pendant 8 ans, auprès de jeunes filles revenues de Syrie. Ce film nous montre la réalité de ces maisons, les madafas, où sont accueillies les jeunes femmes venues du monde entier pour rejoindre Daesch. Elles y sont enfermées, destinées à devenir des épouses de djihadistes. En écoutant sur internet les propos des actrices Meghan NORTHAM et Lubna AZABAL, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement entre les Lebbensborn du IIIème Reich, et ces maisons qui elles aussi étaient finalement des lieux qui servaient à la fois de pouponnières mais aussi de bordel pour les combattants de Daesh. Fonction reproductrice mais aussi objet sexuel.
Bien sûr, il n’est pas question de comparer TRUMP et KHAMENEI : il est bien plus facile pour une femme de vivre aux USA qu’en République Islamique d’Iran. Pour autant, le danger est réel de voir le religieux interférer dans le politique dans cette période de grande confusion et d’instabilité.
Alors les femmes premières sacrifiées ? Le plus souvent. Combattantes ? pas toujours, ni pas toujours du bon côté de l’histoire. Notons qu'il aura fallu des années à la justice française pour comprendre que les jeunes djihadistes françaises étaient partie à Raqaa parce qu’elles adhéraient à l’idéologie de Daesh. Elles ont longtemps été déresponsabilisées parce que femmes. Un peu comme le fut Leni RIEFENSTAHL.
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